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Écrire avec ardeur.

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Bernard Schlinck

It’s a man’s man’s world…

Deux idées. Histoire des échecs depuis un club d’échecs à Moscou de 1965 à maintenant.

Vladislav. Ses parents étaient de fervents staliniens, de bons ouvriers, qui s’étaient rencontré sur le front de l’Ouest, ils combattaient dans la même rue à Stalingrad. Son père a été touché près du coeur par un tir ennemi et sa compagne d’arme l’a vaillamment soigné puis défendu pendant des heures. La nuit venue elle l’a emmené sur son dos par le seul escalier qui restait de leur immeuble bombardé, hors de portée des tirs allemands. Ils n’avaient pas hissé le drapeau blanc.
Ils se sont marié peu après la fin de la guerre et Vladislav est né quelques mois plus tard, dans une tour de béton édifiée à la hâte dans la banlieue de Moscou. Il est l’aîné de 8 enfants, tous nés dans ce même immeuble. Pour récompenser les citoyens méritants qu’étaient ses parents, Vladislav a pu s’inscrire dans le prestigieux club d’échecs de l’avenue Gogolevsky. Cela réjoussait sa mère de le voir ainsi apprendre des vieux maitres du lieu et cela assurait au foyer un peu de calme les soirs d’entraînements, c’est à dire à peu près tous les soirs. Il a montré assez vite des capacités surprenantes aux échecs, tant et si bien qu’il a eu une place dans l’une des écoles spéciales ouvertes par le Parti, où on apprenait les échecs comme un sport de haut niveau. La puberté arrivant, les voyages en trams de la banlieu au centre de la capitale l’ont lassé, il s’est heurté aussi à des adversaires bien plus forts que lui. Il est devenu maitre international, Par amitié on lui a offert de donner des cours tous les mardis, malgré son jeune âge de 18 ans, des 1965, mais son cursus universitaire l’a amené à entrer au Parti dans la gestion du Plan.

A partir de là sa vie a été partagée entre le travail relativement confortable au ministère et ses soirées au club. Il devenait un adversaire incontournable pour les jeunes du club. Ila a joué avec des générations entières de champions en herbe, se faisant terrasser régulièrement par des gamins venus comme lui très jeunes au club, mais bien plus doués, et qui eux, pour les 2 ou trois les plus méritants, avaient le droit à une carrière internationale. Il les avait tous connu les Botvinnik, Petrossian, Averbach, Spassky, Bronstein, Dorfman. Chaque enfant portait en lui l’espoir d’une génération. Vladislav leur apprenait la méthode soviétique du jeu d’échecs. Froide, scientifique, implacable, sans fioriture ni surprise. Il était devenu plus qu’un professeur, dans le club, mais l’héritier d’un style, le gardien d’un Ordre établi. Dans les années 70 cela restait facile d’enseigner ce style mais vers la fin de la décennie, lorsque les Etats Unis ont dégoté un fantasque champion du nom de Bobby Fisher, les joueurs ont commencé à discuter. Certains voulaient continuer dans la voie des Anciens, d’autres voulaient faire tomber toutes les habitudes et les règles. Plus tard, vers la fin des années 80, alors que les cours devenaient aussi ronronnants que prestigieux, le Mur de berlin est tombé. L’année suivante, sa classe était dépeuplée. Ses meilleurs élèves avaient loué une voiture et avaient fait les tours des tournois européens où ils aient gagné tous les prix. Vladislav continua ses cours, les étudiants revinrent année après année. Il avait atteint la retraite et parfois aidait un peu au ministère, mais on ne faisait presque plus appel à lui. Il donna des cours pour des étrangers, des indiens, puis des chinois et des femmes.

Echenoz. Ravel, Zatopec.

La vie intellectuelle française à partir de l’aumonier de l’Ecole Normale de 1965 à maintenant.