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Écrire avec ardeur.

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Au dessous de l’eau

Ce fut après six semaines de pluies sans discontinuer que les morts commencèrent à remonter.

Le premier fut découvert par Kalvin, le conducteur du petit train aquatique au Parc de Lost Island. Il commençait sa journée. Son bateau avait eu du mal à démarrer ce matin-là. Mais là, il suivait le rail mécanique tracé dans l’eau. Il engagea sa machine dans le canal, entre une île artificielle plantée de palmiers homogènes, et une petite forêt d’épicéas intercalés entre de petites marionettes animées. Puis, alors qu’il se trouvait en plein milieu de ce passage, le bateau s’arrêta. Le moteur tournait encore mais quelque chose avait dû dériver dans l’eau et se glisser entre les rails pour se bloquer sous le bateau. Il lança une annonce pour demander aux passagers de ne pas s’inquiéter. Il se pencha par dessus bord et regarda ce qui bloquait le bateau. Sous la travée, il vît un crâne d’enfant.

Kalvin décrocha le téléphone de service sous le tableau de bord et prévint sa direction, qui lui envoya des plongeurs déguisés en grenouilles, tandis qu’il devait s’assurer que la musique allait continuer à jouer.

La mesure de Kalvin

L’inspecteur a rendez-vous avec Kalvin.

Le train arrive dans la cité de Belle Ville où habitent la plupart des employés du Parc, car c’est la seule ville directement reliée au Parc. Depuis longtemps maintenant, les voitures ne sont plus utilisées dans le district. En vérité, plus personne ne possède de voiture depuis que les pluies sont devenues si fréquentes, que les routes sont rendues hasardeuses, dangereuses. L’état s’est mis à ne plus entretenir les routes puis a arrêté de s’occuper des voitures accidentées. Il est maintenant considéré irresponsable, incivique voire malhonnête et polluant, de conduire son propre véhicule dans le district du Parc.

L’inspecteur sort du train, prend un escalier mécanique qui débouche sur une grande place couverte d’un haut toît en plastique transparent. En levant la tête, il peut voir accroché juste au dessous du toît, de grands panneaux lumineux qui lui indiquent les différents quartiers de la ville. La Grange des Amis, le Quartier du Saule immortel, la Tour aux mille fleurs. On entend les gouttes rebondir doucement.

A cette heure avancée de la matinée, la place est presque vide et la musique d’habitude omniprésente se réduite à un petit filet persistant qui se rythme sur les pas solitaires. L’inspecteur a rendez-vous dans le bar Le Buffy. Il est le dernier bar à avoir encore un flipper, vestige mécanique qui ne marche plus depuis longtemps, mais dont les fresques et les clignotements forment une décoration baroque et vaguement ancienne.

Lorsque l’inspecteur entre dans le bar, il est un peu en avance mais il espère que son interlocuteur l’attend déjà. Il prend son téléphone et pose le doigt sur un petit capteur sensitif. La température varie selon qu’il se rapproche ou s’éloigne de la personne avec qui il a rendez-vous. Ce geste lui fait se souvenir du temps où ces capteurs lui servait pour les applications de rencontre, pour indiquer s’il se rapprochait d’un ou une anonyme avec qui il serait susceptible de matcher.

Kalvin a les yeux penchés sur la table, ses mains jointes cachent complètement un vieux téléphone aux couleurs du Parc. — Pardonnez-moi, dit l’inspecteur, je suis en avance? Il me semble que nous avons rendez-vous, vous êtes Kalvin, la personne qui a trouvé les ossements?

Kalvin lève des yeux arrondis et commence à respirer profondément.

— Ma démarche doit vous paraître surprenante, voire inédite, mais j’espère que vous comprendrez que ce n’est pas tous les jours que l’on trouve un mort dans le Parc. Je suis chargé de trouver l’identité de la personne que vous avez découvert.

— Vous n’êtes pas médecin? Vous m’aviez pas dit que vous faisiez partie du groupe de soutien psychologique?

— Je suis médecin, en effet, médecin légiste. Si vous permettez. Je fais partie du service qui s’occupe de résoudre les affaires humaines encore mystérieuses. Elles ne sont pas légion, dans ce district. Je vous dois bien cette confession, c’est la première fois que je suis assigné à un cas pareil. Bien sûr, il y a bien eu quelques cas de décès inattendus, que l’on nous les enseigne lors de notre stage d’intégration. Mais c’est la première fois que l’on fait une telle découverte dans le Parc, voire dans le district.

Kalvin ne desserait plus les dents et parlait pour lui seul.

— Vous êtes flic. Ça va me créer des ennuis cette histoire je le sens bien venir.

— Flic n’est plus le bon mot et je vous assure, vous ne serez pas inquiété. Pas par moi et pas par l’administration dans ce district. Pourtant… c’est vrai, je suis arrivé dans le service avec le titre d’inspecteur. Il y avait alors peut être trente personnes à l’époque, j’étais fier d’être inspecteur et chacun était fier de son titre et chacun était fier de son rôle, et pourtant déjà à l’époque n’avait déjà rien à faire, il y a si peu de crimes par ici. Les détails de l’administration sont toujours des contes merveilleux et de vrais mystères pour qui a la malchance de devoir les écouter. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que trois dans mon service, vous voyez ce que je veux dire, chacun touche un peu à tout. On est des petits artisans de la loi. Je préfère me présenter à vous comme médecin légiste, c’est plus réaliste.

— Mais alors pourquoi vous voulez me parler?

— J’ai déjà commencé sur les ossements quelques vérifications scientifiques, rapides, de routine.

Kalvin l’interrompit. “Écoutez, je vais appeler ma hiérarchie.”

L’inspecteur raidit ses jambes, sursauta légèrement, il lança la main vers l’avant et appuya ses doigts sur le téléphone que tenait Kalvin.

— Est-ce que c’est bien la peine, pourquoi les déranger? Après tout je suis là pour vous parler. Rien ne presse, écoutez-moi. Nous sommes des pions sans influence.

Kalvin fronça les sourcils et tenta de tirer vers lui son téléphone, il s’aperçut alors que la pression qu’exerçait l’inspecteur l’empêchait de bouger ses mains.

— Je vais être honnête, Kalvin, cette affaire est sans queue ni tête. Quand elle est apparu tout le monde a cru à une vieille histoire qui datait d’avant le Parc. Vous savez très bien qu’il n’y a pas de cadavre ici. Les gens vont dans le sud pour mourir. À quoi avez-vous pensé quand vous avez découvert le cadavre? Kalvin tira avec tant de force ses mains vers lui que ses poings rebondirent sur son torse.

— Je vais avoir des problèmes moi. Ah mais ils m’ont dit au Parc que non fallait pas s’inquiéter, ils allaient s’en occuper. Et qui je vois débarquer comme un cheveu dans la soupe, un poulet, ça rigole pas là pour bibi.

— Cet enfant est mort il y a plus de 10 ans. Il y a prescription. Je vous l’ai dit les ennuis ne viendront pas de la loi. Je veux juste vous aider. Sinon je peux toujours appeler votre hiérarchie. Qu’est-ce qui s’est passé?

Kalvin se tord les mains.

” Écoutez j’y suis pour rien, monsieur, j’y connais rien moi aux morts dans le Parc, je ne suis pas d’ici, dans mon district des Alentours du Nord on ne faisait pas tant d’affaires. C’est quand je suis arrivé il y a cinq ans, on m’a expliqué. Ils ne veulent pas des morts, le Parc, dès que les gens commencent à flancher du genou, ils sont envoyés dehors, Dieu sais où, mais les morts ils savent pas quoi en faire, ça fait pas propre. Mais ils ont raison. C’est pas comme chez moi, ici, tout est protégé par un toît, et pourtant il pleut autant je peux vous le dire, ça n’arrête pas, même que quand je suis arrivé, j’ai arrêté de m’enrhumer, ça fait un choc je vous assure. Si on me renvoie chez moi, je vais tomber malade oui.”

Kalvin reprend alors: “Il faut bien se dire qu’ici on fait ce qu’on peut on est bien protégé, tous les gens du Parc on est bien contents, quand je revois à la télé les régions du Grand Désert ou celles sur ma région dans le Nord, ça fait pas envie d’y retourner.

Vous voulez savoir? Ce district on veut pas le quitter, alors nous on fait ce qu’on peut. Et puis les copains au travail souvent on ne sait même pas où ils sont nés. Je vois bien que la hiérarchie elle voudra les envoyer se faire incinérer à Petaouchnok, mais on fait ce qu’on veut nous n’est ce pas. Il y a des gens qui veulent pas quitter le Parc, même les pieds devant. J’en connais des employés, ils ne veulent pas qu’on les arrache à la terre, ça fait leur vie, être ici. Alors forcément quand on leur demande de disparaître, ils préfèrent rester et les collègues ils sont là pour aider. C’est pas nous le méchants.

L’inspecteur ne peut pas croire ce qu’il entend et se demande comment il va raconter cette histoire à sa propre hiérarchie. Si des employés du Parc disparaissent sans que cela se sache, il va y avoir une enquête, on va accuser leur service d’avoir mal fait leur travail, que les morts sont de leurs fautes. Il se sent mal à l’aise à penser qu’il va imputer la faute à ses collègues. De plus il comprend que l’administration va devoir rentrer dans une impossible discussion avec le Parc et qu’elle risque de se faire écraser comme un crapeau dans un marigeau si elle demande au Parc de déterrer tous les morts. Il avait besoin de comprendre où étaient les morts pour les protéger de la fureur du Parc.

  • Écoutez, Kalvin, je comprends maintenant d’où vient ce cadavre mais en tant que fonctionnaire je dois pouvoir assurer ma hiérarchie qu’il ne se passe rien d’illégal pour la santé des visiteurs et des employés.

Passage totalement inutile :D

La pluie coule le long des haies. La pluie descend le long des chemins du labyrinthe d’Alice au Pays des Merveilles. La pluie suit les voies ouvertes, court le long du béton arrondi qui délimite les haies.

Il pleut depuis tellement de jours et de nuits que le labyrinthe est devenu une attraction initiatique, qui se parcourt les pieds dans l’eau. Parfois l’eau monte jusqu’aux mollets. Mais aujourd’hui, à certains endroits, l’eau monte bien au-dessus de la taille. Pour finir le parcours, les pères prennent leurs enfants sur les épaules et dans leurs yeux l’eau se mélange de terre et d’odeurs d’herbe trempée.

Nuit sans lune

Il est deux heures du matin.

Les employés commencent à se retrouvent dans la palmeraie le long du fleuve. Ils viennent par petits groupes, certains à pied, par les îles, certains sur de petites barques de secours qu’ils ont subtilisé pour l’occasion. Quelques figurants ont gardé leurs costumes, les autres portent de simples masques de souris, de chiens ou de chats qui leur cachent le visage. Ils viennent en silence et s’alignent le long de la rive. On entend lau loin le dernier train qui s’arrête dans la gare principale. Sa sonnerie retentit. Il repart.

Il ne faut pas attendre bien longtemps avant que, sur l’autre cîté de la rive, plusieurs figurants habillés en écureuils, apparaissent d’entre les épicéas qui bruissent de leurs crissements plastiques et épais. Quelques minutes plus tard, un grand personnage habillé en ours se frai un chemin entre les épines. Il porte un grand sac en toile sur le dos. Il se dirige au pieds des marionettes au bord de l’eau et dépose son sac lourdement. Pendant ce temps, un écureuil vient près des marionettes et la saisit par les bras. Elle se met à tourner sur son axe. Il la soulève et la dépose pour un peu plus loin, dégageant ainsi une trappe dans le sol. L’ours alors se penche vers le sac à terre et ouvre les pans de tissu pour en découvrir un corps. de loin on ne sait s’il s’agit d’un homme, d’un enfant ou d’un pantin. Le corps est vite jeté dans la fosse, et la marionette est remise à sa place.

En face, sur l’autre côté de la rive, les employés en costumes et les figurants sont restés alignés en silence. Maintenant que la marionette est remise en place, ils commencent à tanguer doucement en rythme. Un chant s’élève entre leurs rangs.

La même avec l’inspecteur

Il est deux heures du matin. L’inspecteur s’est caché dans un local de service que lui avait indiqué Kalvin. xxx Il a attendu la fin des animations pour Kalvin en lui indiquant qu’il pouvait rester dans la réserve. Kalvin lui a fourni un déguisement de cheval. “Il ne faut pas quitter votre costume, pour éviter que les caméras de surveillance ne filment votre visage.”

Les employés commencent à se retrouvent dans la palmeraie le long du fleuve. Ils viennent par petits groupes, certains à pied, par les îles, certains sur de petites barques de secours qu’ils ont subtilisé pour l’occasion. Quelques figurants ont gardé leurs costumes, les autres portent de simples masques de souris, de chiens ou de chats qui leur cachent le visage. Ils viennent en silence et s’alignent le long de la rive. On entend lau loin le dernier train qui s’arrête dans la gare principale. Sa sonnerie retentit. Il repart.

Il ne faut pas attendre bien longtemps avant que, sur l’autre cîté de la rive, plusieurs figurants habillés en écureuils, apparaissent d’entre les épicéas qui bruissent de leurs crissements plastiques et épais. Quelques minutes plus tard, un grand personnage habillé en ours se frai un chemin entre les épines. Il porte un grand sac en toile sur le dos. Il se dirige au pieds des marionettes au bord de l’eau et dépose son sac lourdement. Pendant ce temps, un écureuil vient près des marionettes et la saisit par les bras. Elle se met à tourner sur son axe. Il la soulève et la dépose pour un peu plus loin, dégageant ainsi une trappe dans le sol. L’ours alors se penche vers le sac à terre et ouvre les pans de tissu pour en découvrir un corps. de loin on ne sait s’il s’agit d’un homme, d’un enfant ou d’un pantin. Le corps est vite jeté dans la fosse, et la marionette est remise à sa place.

En face, sur l’autre côté de la rive, les employés en costumes et les figurants sont restés alignés en silence. Maintenant que la marionette est remise en place, ils commencent à tanguer doucement en rythme. Un chant s’élève entre leurs rangs.