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Écrire avec ardeur.

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Nighthawks

Nighthawks

  • Tu es gentil d’être venu me chercher, tu n’aurais pas dû venir.
    J’étais assise au comptoir, le dos tourné à l’entrée de ce bar à Roissy. Le Bar du Dernier Appel. Quel nom pour siroter un fanta frambroise à six euro. Minuit passé. J’avais entendu la porte d’ouvrir avec un fracas de glace et d’acier, j’étais sûre que c’était Jacky, son style emporté et maladroit. Il faut pouvoir compter sur ses exs - surtout en cas de coup dur. Il faut se serrer les coudes entre malheureux.

  • J’ai reçu ton message je suis venu tout de suite. Qu’est-ce qui s’est passé?
  • Je te l’ai dit, dans le message, je me suis fait virer. Mais c’est qu’il insiste, il me demande, c’est arrivé quand ça. À ton avis, tu crois que je traîne dans les bars d’aéroport la nuit pour le plaisir? Tout à l’heure c’est arrivé.
  • On vous sert quelque chose? Et le barman s’était approché sans que je le repère.
  • Non, je vais partir.
  • Un whisky pour moi, Jacky il fait. Allez, mettez en deux. Il veut fêter ça. Se faire mettre à la porte d’un Mac Do ça se fête non? Tu crois pas, Charlotte, qu’il me fait? Jacky il avait toujours des idées derrière la tête, même si dans sa tête il en avait pas beaucoup des idées, mais c’était toujours un peu les mêmes, boire, me faire boire et se vautrer sur moi dans sa Ford Escort quand il était trop tard pour attraper le bus de nuit. Je l’aimais bien Jacky, un comptable chez Speedy ça rassure, ça fait pas de bruit. Tu peux le repousser facilement. Et puis ça dépanne.
  • Jacky je vais rentrer. Mais c’est qu’il insiste il la veut son histoire.
  • Je veux juste me barrer d’ici. Qu’est ce que tu veux que je te raconte franchement, c’est comme d’habitude tout ça, un client qui a les mains en balade, il a voulu vérifier ce que j’avais sous la robe, c’était pas le deuxième, mais le troisième de la journée, “Viens comme tu es” qu’ils disent dans la pub. J’avais un plateau dans les bras, je pouvais pas me défendre il a pensé, l’erreur, c’était vite, je lui ai envoyé le plateau dans la gueule, en plein dans la face. Il a pas regretté d’être passé. C’est son nez qui a pas aimé, après je me souviens plus, il est tombé de sa chaise, il mettait ses mains pour se protéger, il y a des collègues qui m’ont attrapé les bras, j’y peux rien moi si les gens sont si fragiles.
    Jacky ça lui a coupé l’envie de siffler son whisky. Alors j’ai bu le mien.
    Il me regardait bizarrement, dans les yeux, mais maintenant le décolleté, c’était pas l’alcool qui lui donnait du désir pour venir me soulever, non ses yeux vibraient, ses paumettes étaient prises de tics, il avait du mal se coordonner, entre son corps, ses yeux son verre à whisky. J’ai baissé mes yeux voir ce qu’il regardait. J’avais ma petite robe rouge, ma petite robe, ma plus belle robe, ma seule belle en vérité. Au milieu, en dessous du décolleté deux tâches de sang séché… J’ai pris le verre de Jacky de ses mains je l’ai sifflé. Ça m’a un peu remis au clair.
  • Allez, je veux partir, on y va. Il faudrait que je trouve une nouvelle robe, si je voulais faire bonne impression, de toutes façons il faudrait tout recommencer, à zéro, s’en aller, tout recommencer, avec cette tâche sur la robe ça serait pas de la tarte.