Nighthawks
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C’est gentil d’être venu me chercher, tu n’aurais pas dû venir.
J’étais assise au comptoir, le dos tourné à l’entrée de ce bar à Roissy. Le Bar du Dernier Appel. Quel nom pour siroter un fanta frambroise à six euro. Minuit passé. J’avais entendu la porte d’ouvrir avec un fracas de glace et d’acier, j’étais sûre que c’était Jacky, son style emporté et maladroit. Il faut pouvoir compter sur ses exs - surtout en cas de coup dur. Il faut se serrer les coudes entre malheureux. - J’ai reçu ton message je suis venu tout de suite. Qu’est-ce qui s’est passé?
- Je te l’ai dit, dans le message, je me suis fait virer. Mais c’est qu’il insiste, il me demande, c’est arrivé quand ça. À ton avis, tu crois que je traîne dans les bars d’aéroport la nuit pour le plaisir? Tout à l’heure c’est arrivé.
- On vous sert quelque chose? Et le barman s’était approché sans que je le repère.
- Non, je vais partir.
- Un whisky pour moi, Jacky il fait. Allez, mettez en deux. Il veut fêter ça. Se faire mettre à la porte d’un Mac Do ça se fête non? Tu crois pas, Charlotte, qu’il me fait? Jacky il avait toujours des idées derrière la tête, même si dans sa tête il en avait pas beaucoup des idées, mais c’était toujours un peu les mêmes, boire, me faire boire et se vautrer sur moi dans sa Ford Escort quand il était trop tard pour attraper le bus de nuit. Je l’aimais bien Jacky, un comptable chez Speedy ça rassure, ça fait pas de bruit. Tu peux le repousser facilement. Et puis ça dépanne.
- Jacky je vais rentrer. Mais c’est qu’il insiste il la veut son histoire.
- Je veux juste me barrer d’ici. Qu’est ce que tu veux que je te raconte franchement, c’est comme d’habitude tout ça, un client qui a les mains en balade, il a voulu vérifier ce que j’avais sous la robe, c’était pas le deuxième, mais le troisième de la journée, “Viens comme tu es” qu’ils disent dans la pub. J’avais un plateau dans les bras, je pouvais pas me défendre il a pensé, l’erreur, c’était vite, je lui ai envoyé le plateau dans la gueule, en plein dans la face. Il a pas regretté d’être passé. C’est son nez qui a pas aimé, après je me souviens plus, il est tombé de sa chaise, il mettait ses mains pour se protéger, il y a des collègues qui m’ont attrapé les bras, j’y peux rien moi si les gens sont si fragiles.
Jacky ça lui a coupé l’envie de siffler son whisky. Alors j’ai bu le mien.
Il me regardait bizarrement, dans les yeux, mais maintenant le décolleté, c’était pas l’alcool qui lui donnait du désir pour venir me soulever, non ses yeux vibraient, ses paumettes étaient prises de tics, il avait du mal se coordonner, entre son corps, ses yeux son verre à whisky. J’ai baissé mes yeux voir ce qu’il regardait. J’avais ma petite robe rouge, ma petite robe, ma plus belle robe, ma seule belle en vérité. Au milieu, en dessous du décolleté deux tâches de sang séché… J’ai pris le verre de Jacky de ses mains je l’ai sifflé. Ça m’a un peu remis au clair. - Allez, je veux partir, on y va. Il faudrait que je trouve une nouvelle robe, si je voulais faire bonne impression, de toutes façons il faudrait tout recommencer, à zéro, s’en aller, tout recommencer, avec cette tâche sur la robe ça serait pas de la tarte.
Girly show
C’était le matin. J’étais allongée sur le dos.
Maintenant que j’avais été virée de chez Mac Do, j’envisageais toutes les possibilités pour me refaire un peu d’argent.
De toutes façons à Roissy j’étais grillée comme du petit pain, tabasser les clients à coup de plateau, ça plombe une réputation, il faut dire.
Je voulais quitter cette vie toxique, cet aéroport, le bruit des avions, partout, tout le temps. J’avais plus qu’une envie, une nouvelle vie. Partir aux États-Unis, devenir actrice.
Du talent, je savais j’en avais, ça m’a fait penser à Gianni, le tenancier de l’Eden Club, à Louvres. Il m’avait déjà mis le pied à l’étrier, quans j’avais 16 ans et plus rien, déjà, sinon de l’espoir, chez lui j’avais fait mes premières armes de comédienne et de danseuse. Dans des spectacles pour adultes.
C’était pas bien payé mais on rigolait bien à l’époque avec les copines.
L’Eden Club. J’ai basculé au dessus du corps de Jacky, qui dormait encore et j’ai saisi mon portable.
Gérard… Gianni c’était son nom de sc-ne, en vérité il s’appelait Gérard Jugnot. Mais le nom était déjà pris et pour s’imposer dans le monde du cabaret, s’appeler come un petit acteur français, c’était pas une option.
Gianni. Je l’ai retrouvé alors que Jacky commençait à grommeler. Je l’ai poussé hors du lit. Pendant qu’il allait me préparer le café j’ai eu Gianni, rendez-vous était pris pour le soir même. Je tombais bien, sa danseuse vedette était indisposée, il m’a dit, elle avait la grippe colombienne et les flics lui aaient prescrit de rester 3 semaines à la prison de Réaux pour se remettre d’aplomb, ça l’a fait rigoler le Gérard.
Jacky est parti bosser. Je suis restée dans son lit à regarder Netflix, je voulais étudier le jeu des actrices. Puis il y avait de quoi fumer chez Jacky. J’ai scotché sur un documentaire, il s parlaient des tableaux modernes au Louvres, à Paris. S’ils savaient. Le soir c’est moi allait devenirun vrai tableau moderne, j’ai pensé. L’art est pas dans les musées, il est dans les clubs privés, quand Daisy remue son popotin.
Quand Jacky est revenu j’étais rête, j’avais remis ma petite robe, même si elle était tâchée, j’espérais que Gianni pourrait la laver, surtout que sur scène à l’Eden Club c’était pas l’endroit pour porter un vêtement.
Jacky m’a déposé devant l’Eden Club, je lui ai dit de revenir à deux heures.
J’ai fait la bise au videur, pourtant je ne l’ai pas reconnu mais il faut savoir soudoyer le petit personnel.
Je suis entrée dans le club. C’était un ancien hangar à fruits, le patron était parti avec la caisse, Gianni avait racheté le tout cash, mis des néons à l’entrée et des bouteilles aux murs. tous les gars de la région venaient se rincer la panse et l’oeil après le turbin.
Il était au bar Gérard, dans l’ombre, dans son costume blanc à col large à pointe rose, il fumait sa cigaretet électronique, j’étais là quand il avait eu un contrôle d’hygiène les flics lui avaient dit plus question de fumer des Lucky Strike au comptoir.
Il m’a vu, il m’a pris dans les bras, un peti tboulot bien payé ça demande des concessions.
- Dis donc je ne pensais pas te revoir.
Il m’a pincé la joue, oui j’avais grossi et je t’emmerde, Gérars, vas’y toi bosser chez MacDo, rien que regarder les frites ça te transforme en double cheese. - Toujours pochetron? Je lui ai tapé sur le ventre.
- Dis moi Charlotte, tu t’appelles toujours Daisy, pour la scène?
Il m’a regardé de bas en haut, il avait fait fortune à Rungis avant de se reconvertir dans le strip tease de banlieue. La tâche de sang il l’a tout de suite repéré. Il avait le chic pour m’emmerder.
J’ia enlevé ma robe, là devant lui, devant le bar, devant les clients, je lui ai mis dans les bras et lui ai dit:”Faudra me laver tout ça pendant que je serai là haut”.
Il s’est figé, je me suis retourné et ai marché vers l’entrée des artistes. Les mecs déjà ils sifflaient on aurait dit qu’ils n’avaient jamais vu un cul de leur vie.
Quand mon spectacle a commencé, je suis arrivé sur scène, une danseuse m’avait prêté un châle. J’avais rien d’autre, rien que mes talons et ma dignité. Je les ai allumé comme des cowboys, comme des voyous, les clients, ils criaient ils hurlaient.
J’ai tourné trois fois sur scène et puis j’ai jeté ma culotte au barman, puis je suis descendu dans la salle, j’ai commencé à me ballader entre les tables, avec le peu de vêtements qui me restait. Cinq minutes après j’étais à poil.
Il y avait une table avec des gamins visiblement surexcités, bourrés, ils criaient, levaient le sbra sau ciel, ils m’insultaient. Doucement j’ai marché vers eux. De l’index j’ai fait signe au plus bruyant de venir vers moi. Je l’ai allongé par terre sur le béton froid du club. J’ia fait le tour de son corps allongé. Puis je me suis arrêtée et j’ai enfoncé mon talon dans sa main posée sur le sol. Ses copains disaient plus rien. Et j’ai tourné, tourné, le gars osait pas crier.Blue night
J’ai appris 15 jours après pourquoi Gianni m’avait gardé. Il voulait que je travaille en tant que serveuse dans son nouveau lieu de plaisir, le nouvel Eden Club qu’il venait d’ouvrir en ville.
Gianni m’avait recasé. C’était moins exposé, il disait, Ça ne me dérangeait pas de ne pas danser, la paie était moins bonne mais j’avais moins de pervers et plus de pouboires. Et je reprenais le même boulot qu’auparavant au macdo, serveuse, c’était une forme de rétablissement, un accomplissement, éviter la décadence, je pouvais me remettre à rêver de mettre les bouts d’ici.
Fini le strip au bord de la Nationale, terminé les les routiers polonais et les manutentionnaires picards, le hall en taule c’était du passé, trop froid l’hiver, trop chaud l’été, avec ses coups de vents à déshabiller une stripteaseuse.
Tout ça c’était du passé.
Gianni avait racheté une batisse du XIIe siècle, à deux rues de la Mairie de Louvres. Il avait même réussi à faire financer une partie des travaux par la Région. Il était monté en gamme, par la force du poignet il était devenu un monsieur.
C’était le 14 juillet pour l’inauguration Gianni avait organisé un bal costumé. C’est tout dire que le gratin de la ville s’est radiné, en petits habits loués. La fête battait son plein, dans une demi-heure on allait tirer le feu d’artifice. Les gens s’égayaient dans le jardin d’autres dans les étages de la batisse.
J’étais en train de donner un coup de chiffon sur le comptoir tout neuf, j’ai vu trois personnes s’asseoir à une table dans le jardin. Ils étaient bien habillés. Le plus grand il portait un costume de clown blanc. Je me suis approchée, le clown a tourné la tête vers moi et m’a fixé.
Derrière ses yeux maquillés et sa peau blanche de poudre j’ai senti tout mon passé qui me regardait.
Four lane road
– Salut, Charlotte.
Ses yeux ne me lâchaient pas. Une goutte de sueur a commencé à couler de son front immense et blanchi par la maquillage, s’est arrêtée sur sa tempe et doucement, imperceptiblement, a grossi en son milieu, comme si cette goutte avait toujours été là. Quand elle a dépassée l’arête de son visage et a basculée le long de sa joue, soudain je l’ai reconnu. Les souvenirs sont apparus.
Pierrot.
Il venait chez moi, on s’enfermait dans ma chambre, on jouait, les voisins des pavillons autour de nous ils regardaient, par les rideaux, ils avaient des soupçons, un grand de 16 ans qui vient jouer avec une petite, j’avais 12 ans, mes parents disaient déjà plus rien ou ils ne comprenaient rien, le plus souvent ils étaient pas là, ils étaient en bas de la ville au bistro à s’accrocher au comptoir. Un jour, les voisins sont venus sonner à la porte, je mettais la musique très fort, leur chien aboyait depuis le début de l’après-midi. Je suis allé ouvrir. Je me souviens des yeux écarquillés de la voisine, peut être que j’étais en petite culotte. Ils ne sont jamais revenus. Leur chien n’a plus aboyé.
Puis Pierrot m’a emmené avec lui, quand il sortait, au centre commercial. On retrouvait ses copains à lui, on regardait les gens passer, c’était lassant à force, on a commencé à les attaquer. Ils m’envoyaient en premier, j’avais une petite histoire à raconter. J’étais la petite gosse toute seule, perdue, je ne savais pas où était ma famille, très vite les gens me proposaient de chercher en voiture, on faisait le tour du parking et moi je les guidais. Quand on arrivait dans un coin reculé, je leur montrait Pierrot en leur criant:” Là Là c’est mon frère!” Ils s’arrêtaient. J’ouvrais la porte de la voiture et là notre bande elle intervenait. On en a dépouillé des voitures de leurs courses, c’était rapide, je piquais les sacs à main, les sacs à dos, tout ce qui trainaît, pendant que la bande se jetait sur les courses dans le coffre.
Un jour la sécurité du centre commercial est intervenue, on a réussi à leur échapper. Notre plan était grillé. Je suis rentrée à la maison, j’ai sorti de sous mon lit les sacs que j’avais gardé. C’est là où je me suis rendu compte combien les gens avaient une vie. J’ai ouvert les portefeuilles, j’ai vu les photos, j’ai vu que les gens avaient deux trois portables pas cher, invendables, mais avec plein de sms dedans, des tromperies à n’en pas finir, des histoires de cul surtout, avec des photos… Ah j’en ai vu des images quand j’étais petite…
J’en ai parlé à Pierrot, ça lui a donné une idée, on a tracé en ville. On a commencé à retrouver tous ces lascars qui trompaient leur femme et on les a fait gentiment chanter. Toujours moi, au front, j’étais une guerrière, une commando. Un ange, une vraie enfant. J’avais une petite robe à volant, un peu trop petite, je commençais à avoir des formes. Ça les amadouait, les mecs, au début, puis quand ils comprenaient qu’on avait des images sur eux, ils devenaient blancs, liquides, ils cherchaient à disparaître, alors on les faisait cracher au bassinet, en échange qu’on leur redonne leur portable, de toutes façons on avait déjà tout copié. A ceux qui ne voulaient pas, Pierrot intervenait, un peu. Ça a duré longtemps cette petite combine. On a dû racketter la moitié d’Orry-la-Ville.
Pierrot est maintenant devant moi, dans ses grands habits blancs de clown triste, ça faisait longtemps, il avait une cigarette plantée entre ses lèvres d’un rouge écarlate.
Il l’a prise en son milieu et l’a jetée à terre, puis l’a écrasé sous une semelle démesurée.
Il alternait les gestes lents et les gestes violents, en silence, puis me regardait d’un coup.
– Alors… Tu n’es pas contente de me revoir?
– La dernière fois que je t’ai croisé tu portais des menottes. A ce que je vois, tu as toujours le goût du déguisement?
Son front blanc plissait légérement, il avait fait chaud à en crever, je n’arrivais pas à deviner si les perles de sueur étaient provoquées par la canicule.
Il a fait un petit geste en direction des deux gars qui l’accompagnaient. C’étaient deux gars habillés en marins du Kursk, enfin une tragédie dans le sens.
– Je te présente Pipo et Mario, mes nouveaux amis. Je fais dans la comédie en ce moment, les films muets, les deux lascars ne parlent qu’urkrainien.
– Vous êtes venus pour une partie à trois? que je lui ai fait. Pas de chance Les soirées gay c’est le jeudi. Mais peut être que vous pouvez prendre une chambre.
“Assez” Le clown il a commencé à crier, en même temps j’ai entendu les premiers pétards de feu d’artifice exploser au loin dans la rue.
– J’ai passé trois ans à l’ombre et tu sais que je ne t’ai pas dénoncé. Aujourd’hui tu viens payer ta dette.
J’ai rien dit j’ai regardé ses yeux.
– Tu sais j’ai gardé les films de nos exploits. Tu te rappelles? Quand on faisait chanter les gars dans l’immobilier à Ory-la-Ville? Tu ne t’ai jamais demandé pourquoi les flics n’avaient pas resorti les films, pendant le procès? Tu te souviens? Les films où on te voit draguer, allumer complètement et les attirer chez toi, et les films dans la cave… Je les ai encore, ma poulette. Tu me regardais pourtant à l’époque quand je te filmais. On savait se parler à l’époque, on se comprenait.
Il n’avait pas changé… Je ne me souvenais plus de son nom, ça me tracassait. J’essayais de le retrouver derrière son maquillage.
Et tout d’un coup c’est revenu. Pierrot que je l’appelait. Déjà à l’époque. Comme si le nom de ramenait des années en arrière, quand je faisait la greluche pour attirer les zigotos d el’immobilier à Orry-La-Ville. Je me souvenais maintenant, la cave, les vidéos, pour faire chanter les gus, ils crachaient tous au bassinet, ça a été le boulot le plus facile de ma vie. Jusqu’à cet accident, avec le gars un peu plus petit qui voulait pas payer. Il s’est énervé, je me suis énervé, Pierrot derrière la caméra, tu parles, il a tout filmé. Le gars a jamais porté plainte. Se faire dérouiller par une gonzesse, il avait sa vie à assurer derrière.
– Et tu veux quoi? Je lui ai fait.
– J’ai un petit job à te proposer.
– Casses-toi vite faite, je lui ai envoyé. C’est fini c’est du passé maintenant j’ai une nouvelle vie.
Rien que de lui envoyer ça, de lui raconter un telle énormmité, ça m’a tout retourné, j’ai bien vu qu’il m’a pas cru même à moitié, rien du tout, il m’a juste regardé il et ila vu une rouquine serveuse dans un club échangiste.
– Tu vas voir c’est qu’un petit coup tu vas adorer, on va aller taquiner le bourgeois, Pierrot a continué. On a repéré une famille ils sont plein aux as, je sais pas ce qu’ilf foutent par ici. Ils ont un fils de 8 ans. On va le kidnapper.
J’avais envie de lui envoyer mon plateau à travers la gueule, lui balancer le coca, le whisky, les anisettes à la tête, mais quelque chose m’a ratenu, j’ai comme qui dirait réfléchi, pour cette histoire de vidéo, j eme suis dit qu’il avait pas tord.
Moi qui révait de faire carrière dans le cinéma, j’avais pas super envie que mes premiers spectateurs soient des flics.
J’imaginais déjà les parents des kidnappés, qui se rongeraient le sang, la famille dévastée, accablée. le père qui attend un coup de fil dans le jardin, la mère elle regarde par la fenêtre, il espèrent des instructions.
Eleven AM
Pierrot s’est occupé de louer une chambre à Creil, pas trop loin de Louvres et direct en RER. Il a voulu être discret. Il est passé par Le Bon Coin.
J’attends ma proie. Ça a été facile de le faire tomber dans mes filets. C’est l’été. Le petit Sébastien va à la piscine de Louvres presque tous les jours. Je me suis acheté un petit bikini à fleurs rouges et j’ai traîné mes kilos en trop du coté du grand bassin. On a beau dire, les athlètes ça aime la chair fraiche. Au bout de deux heures au bord de l’eau, Sébastien m’a proposé de prendre un café. Il se sentait fort. Il m’a tout raconté, sa vie de stagiaire dans le garage de son père. Son BTS. Ses futurs vacances à Biarritz avec ses copains. Je n’en revenais pas, j’étais sa proie mais il n’y voyait que du feu, il se sentait un homme, il se sentait chasseur alors que c’est lui que j’étais en train de chasser.
Je le trouvais beaucoup moins bourgeois et thuné que ce que m’avait raconté Pierrot, encore un de ces plans bien boiteux.
On est dimanche, déjà. Rendez-vous donné à 11h, Creil, l’adresse il avait tout noté dans son smartphone Sébastien. J’étais arrivée la veille, j’avais passé la nuit dans l’appartement loué, à préparer mon plan et à révasser sous les toits dans la chaleur de l’été.
10h. Je me suis réveillée difficilement j’étais prise dans la nuit au sortir d’une nuit de rêves agités. Je suis allée directement sous la douche en espérant m’éclaircir les idées puis, sans prendre le temps de me sécher, je me suis assise dans un grand fauteuil de velours qui traînait devant la fenêtre, j’ai enfilé mes chaussures à talons et j’ai marché comme une dame devant le grand miroir dans la chambre meublée. Je me regardais, nue, je m’imaginais avec une robe sans manche, à rayures, très chic, d’immenses lunettes noires sur le nez pour passer inaperçue, j’étais sur le tarmac d’un aéroport, je me marchais d’un pas pressé vers mon jet privé, celui que m’aurait donné mon amant millliardaire, devenu moine bouddhiste au Tibet. Devant le capitaine de l’avion et tout mon équipage qui me faisait une haie d’honneur et m’applaudissait, Je faisais de grands pas conquérants.
Entre deux va-et-viens devant la glace, j’ai jeté un oeil par la fenêtre et j’ai vu Sébastien traverser la rue, il a levé la tete et m’a aperçu, j’étais nue comme au premier jour d’une nouvelle vie.
Je l’ai suivi du regard, il s’est s’engouffré dans l’imeuble. J’ai pris le temps de me passer un peu de rouge à lèvres, criard, flamboyant, salissant et qui sentait l’ortie.
Lorsqu’il est entré dans l’appartement, je l’ai embrassé à plein bouche et sans lui laisser le temps de comprendre ce qui lui arrivait, j’ai passé mon bras nu derrière son cou. Je respirais avec beaucoup de bruit, je collais mes lèvres contre les siennes, il ne pouvait pas parler, pas réagir, c’est moi qui commandait maintenant.
– Viens près de moi, je lui ai mumuré. Laisses moi faire.
Je l’ai poussé sur le lit et ai grimpé à califourchon sur lui. Je sentais son ceituron Gucci de métal entre mes jambes, contre mon sexe, il a essayé de se relever sur ses coudes j’ai passé mes mains derrière son corps et j’ai tiré sur son tee-shirt qui collait à son corps humide et qui puait la sueur. J’ai posé mes mains sur ses épaules et je l’ai poussé contre le lit, je l’ai embrassé, furieusement, crûment, comme il révait qu’on l’embrasse, je lui ai mordu les lèvres et j’ai senti le goût du sang dans ma bouche, une sensation âpre et rugueuse au fond de ma langue. Je me suis redressée, je respirais fort, comme si j’étais excitée.
Je me suis reculée. D’une main j’ai défait sa ceinture. J’ai ouvert son pantalon. J’ai saisi les hanches d son pantalon à pleines mains et j’ai tiré dessus jusqu’à ce qu’il arrive à la hauteur des genoux de Sébastien.
– Tu es à moi, tu es magnifique, maintenant, je lui ai fait.
Je me suis réinstallé sur Sébastien, son corps était tendu sous moi, ses jambes entravées, son sexe dur comme du bois, son torse lisse trempé de sueur. J’ai mis ma main contre sa glote et ai repoussé contre l’oreiller sans qu’il résiste.
Je l’ai laissé me regarder en train de me tortiller, passer les mains dans les cheveux, je lui ai dit “Regardes moi”, il était hypnotisé, incapable de bouger, comme un gamin devant sa télé, mais les monstres, tous les monstres sortent de l’écran pour venir le tourmenter et l’enfant ne peut pas bouger. Je me suis penché sur lui, j’ai senti mes seins se coller contre sa bouche, j’ai tendu mes bras et ai j’ai frotté mes aisselles contre son nez, pendant que je soupirais comme il n’aurait jamais rêvé, j’ai attrapé le bout du drap qui trainait derrière sa tête sur le lit défait. Son sourire niais. Devant lui j’ai déchiré le drap en une lanière, avec de grands gestes. J’ai passé les bouts du drap contre son torse.
– Tu sens ce qui va t’arriver?
– Oui. Non. Il m’a fait.
Avec la lanière, j’ai commencé à faire un noeud à son poignet. Il s’est mis à rire nerveusement, sa machoire pendait sans qu’il puisse exprimer un mot, je gardais un oeil sur son visage tout en jouant avec chaque extrémité de ses nerfs, je passais en rythme les bouts de lanières froides au dessus de son visage et sur son corps pour t’exciter doucement.
Je me suis penché à nouveau au dessus de lui et pendant que je remplissais sa bouche de mes seins, j’ai passé la lanière dans les montants du lit à baldaquin. J’ai tiré doucement sur la lanière, son bras droit est passé au dessus de sa tete. Je tenais fermement le bout de tissu de ma main gauche, j’ai descendu mon visage vers son aisselle et, en laissant traîner mes cheveux contre son bras, j’ai planté mes ongles profondément dans son flanc et les ai laissé lentement s’enfoncer. Sébastien s’est tortillé en laissant échapper un cri indistinct, J’ai saisi son poignet gauche et me suis affalé contre son bras pour qu’il passe lui aussi au dessus de la tête de Sébastien. J’ai saisi son poignet entre le bout de mes doigts et caressant délicatement avec le tissu les parties les plus fines de sa peau, je l’ai entouré avec la lanière. Une fois le noeud fait, j’ai serré d’un coup, violemment. Sébastien ne résistait pas, il s’offrait à mes liens. J’ai serré le plus fort que j’ai pu.
Voilà Sébastien maintenant solidement attaché au lit. J’ai planté mes dents dans ses lèvres violemment une dernière fois je me suis redressée et j’ai fourré le reste du drap dans sa bouche pour qu’il ne puisse pas hurler.
Il a commencé à se débattre en dessous de moi. Il était trop jeune, il ne savait pas si c’était un jeu érotique ou un film d’horreur, j’ai commencé à lire de la crainte dans ses yeux. Il a essayé de me faire basculer. J’ai pris ses cheveux de la main gauche, je l’ai tiré en arrière, son cou se cassait sous mes gestes violents et de la main droite je l’ai frappé, main ouverte, une fois, deux fois, puis j’ai fermé ma main et j’ai visé l’oeil, sa paumette a éclaté, j’ai senti du sang contre mes poings, j’ai enchaîné, droite, gauche, mes mains me faisaient mal à frapper, sa tête volait, à droite à gauche. J’ai saisi le ceinturon près de moi je l’ai mis dans ma main pour lui frapper au visage, à la tempe, à l’oeil.
Son corps était inerte maintenant. Je me suis relevée et je me suis dirigé vers la salle de bains, je devais reprendre une douche, revivre ce moment unique, cette joie nouvelle pour moi. Mes cheveux allaient être de nouveau mouillés mais tant pis.
Après la douche, j’ai remis mes talons et j’ai traversé la chambre, nue comme tout à l’heure, je suis allée à la fenêtre et j’ai appelé Pierrot, qui attendait en bas, pour qu’il vienne récupérer Sébastien. Je me suis regardée devant la glace, je me sentais reposée, légère.