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Écrire avec ardeur.

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Four lane road

Four lane road

– Salut, Charlotte.

Ses yeux ne me lâchaient pas. Une goutte de sueur a commencé à couler de son front immense et blanchi par la maquillage, s’est arrêtée sur sa tempe et doucement, imperceptiblement, a grossi en son milieu, comme si cette goutte avait toujours été là. Quand elle a dépassée l’arête de son visage et a basculée le long de sa joue, soudain je l’ai reconnu. Les souvenirs sont apparus.

Pierrot.

Il venait chez moi, on s’enfermait dans ma chambre, on jouait, les voisins des pavillons autour de nous ils regardaient, par les rideaux, ils avaient des soupçons, un grand de 16 ans qui vient jouer avec une petite, j’avais 12 ans, mes parents disaient déjà plus rien ou ils ne comprenaient rien, le plus souvent ils étaient pas là, ils étaient en bas de la ville au bistro à s’accrocher au comptoir. Un jour, les voisins sont venus sonner à la porte, je mettais la musique très fort, leur chien aboyait depuis le début de l’après-midi. Je suis allé ouvrir. Je me souviens des yeux écarquillés de la voisine, peut être que j’étais en petite culotte. Ils ne sont jamais revenus. Leur chien n’a plus aboyé.

Puis Pierrot m’a emmené avec lui, quand il sortait, au centre commercial. On retrouvait ses copains à lui, on regardait les gens passer, c’était lassant à force, on a commencé à les attaquer. Ils m’envoyaient en premier, j’avais une petite histoire à raconter. J’étais la petite gosse toute seule, perdue, je ne savais pas où était ma famille, très vite les gens me proposaient de chercher en voiture, on faisait le tour du parking et moi je les guidais. Quand on arrivait dans un coin reculé, je leur montrait Pierrot en leur criant:” Là Là c’est mon frère!” Ils s’arrêtaient. J’ouvrais la porte de la voiture et là notre bande elle intervenait. On en a dépouillé des voitures de leurs courses, c’était rapide, je piquais les sacs à main, les sacs à dos, tout ce qui trainaît, pendant que la bande se jetait sur les courses dans le coffre.

Un jour la sécurité du centre commercial est intervenue, on a réussi à leur échapper. Notre plan était grillé. Je suis rentrée à la maison, j’ai sorti de sous mon lit les sacs que j’avais gardé. C’est là où je me suis rendu compte combien les gens avaient une vie. J’ai ouvert les portefeuilles, j’ai vu les photos, j’ai vu que les gens avaient deux trois portables pas cher, invendables, mais avec plein de sms dedans, des tromperies à n’en pas finir, des histoires de cul surtout, avec des photos… Ah j’en ai vu des images quand j’étais petite…

J’en ai parlé à Pierrot, ça lui a donné une idée, on a tracé en ville. On a commencé à retrouver tous ces lascars qui trompaient leur femme et on les a fait gentiment chanter. Toujours moi, au front, j’étais une guerrière, une commando. Un ange, une vraie enfant. J’avais une petite robe à volant, un peu trop petite, je commençais à avoir des formes. Ça les amadouait, les mecs, au début, puis quand ils comprenaient qu’on avait des images sur eux, ils devenaient blancs, liquides, ils cherchaient à disparaître, alors on les faisait cracher au bassinet, en échange qu’on leur redonne leur portable, de toutes façons on avait déjà tout copié. A ceux qui ne voulaient pas, Pierrot intervenait, un peu. Ça a duré longtemps cette petite combine. On a dû racketter la moitié d’Orry-la-Ville.

Pierrot est maintenant devant moi, dans ses grands habits blancs de clown triste, ça faisait longtemps, il avait une cigarette plantée entre ses lèvres d’un rouge écarlate.

Il l’a prise en son milieu et l’a jetée à terre, puis l’a écrasé sous une semelle démesurée.

Il alternait les gestes lents et les gestes violents, en silence, puis me regardait d’un coup.

– Alors… Tu n’es pas contente de me revoir?

– La dernière fois que je t’ai croisé tu portais des menottes. A ce que je vois, tu as toujours le goût du déguisement?

Son front blanc plissait légérement, il avait fait chaud à en crever, je n’arrivais pas à deviner si les perles de sueur étaient provoquées par la canicule.

Il a fait un petit geste en direction des deux gars qui l’accompagnaient. C’étaient deux gars habillés en marins du Kursk, enfin une tragédie dans le sens.

– Je te présente Pipo et Mario, mes nouveaux amis. Je fais dans la comédie en ce moment, les films muets, les deux lascars ne parlent qu’urkrainien.

– Vous êtes venus pour une partie à trois? que je lui ai fait. Pas de chance Les soirées gay c’est le jeudi. Mais peut être que vous pouvez prendre une chambre.

“Assez” Le clown il a commencé à crier, en même temps j’ai entendu les premiers pétards de feu d’artifice exploser au loin dans la rue.

– J’ai passé trois ans à l’ombre et tu sais que je ne t’ai pas dénoncé. Aujourd’hui tu viens payer ta dette.
J’ai rien dit j’ai regardé ses yeux.
– Tu sais j’ai gardé les films de nos exploits. Tu te rappelles? Quand on faisait chanter les gars dans l’immobilier à Ory-la-Ville? Tu ne t’ai jamais demandé pourquoi les flics n’avaient pas resorti les films, pendant le procès? Tu te souviens? Les films où on te voit draguer, allumer complètement et les attirer chez toi, et les films dans la cave… Je les ai encore, ma poulette. Tu me regardais pourtant à l’époque quand je te filmais. On savait se parler à l’époque, on se comprenait. Il n’avait pas changé… Je ne me souvenais plus de son nom, ça me tracassait. J’essayais de le retrouver derrière son maquillage.

Et tout d’un coup c’est revenu. Pierrot que je l’appelait. Déjà à l’époque. Comme si le nom de ramenait des années en arrière, quand je faisait la greluche pour attirer les zigotos d el’immobilier à Orry-La-Ville. Je me souvenais maintenant, la cave, les vidéos, pour faire chanter les gus, ils crachaient tous au bassinet, ça a été le boulot le plus facile de ma vie. Jusqu’à cet accident, avec le gars un peu plus petit qui voulait pas payer. Il s’est énervé, je me suis énervé, Pierrot derrière la caméra, tu parles, il a tout filmé. Le gars a jamais porté plainte. Se faire dérouiller par une gonzesse, il avait sa vie à assurer derrière.

– Et tu veux quoi? Je lui ai fait.

– J’ai un petit job à te proposer.

– Casses-toi vite faite, je lui ai envoyé. C’est fini c’est du passé maintenant j’ai une nouvelle vie.
Rien que de lui envoyer ça, de lui raconter un telle énormmité, ça m’a tout retourné, j’ai bien vu qu’il m’a pas cru même à moitié, rien du tout, il m’a juste regardé il et ila vu une rouquine serveuse dans un club échangiste.

– Tu vas voir c’est qu’un petit coup tu vas adorer, on va aller taquiner le bourgeois, Pierrot a continué. On a repéré une famille ils sont plein aux as, je sais pas ce qu’ilf foutent par ici. Ils ont un fils de 8 ans. On va le kidnapper.

J’avais envie de lui envoyer mon plateau à travers la gueule, lui balancer le coca, le whisky, les anisettes à la tête, mais quelque chose m’a ratenu, j’ai comme qui dirait réfléchi, pour cette histoire de vidéo, j eme suis dit qu’il avait pas tord.

Moi qui révait de faire carrière dans le cinéma, j’avais pas super envie que mes premiers spectateurs soient des flics.

J’imaginais déjà les parents des kidnappés, qui se rongeraient le sang, la famille dévastée, accablée. le père qui attend un coup de fil dans le jardin, la mère elle regarde par la fenêtre, il espèrent des instructions.