Journal

Écrire avec ardeur.

Follow me on GitHub

Envolement

Ce qui se passe dehors, dehors l’hypnotise, dehors fixe ses yeux, pas un poil sur son visage, rien ne bouge, presque plus rien, sauf ses papilles qui tremblent sans contrôle. Ses lèvres tressautent, sa bouche émet un petit bruit de salive. Loin à l’intérieur de lui, sous sa peau, sous son crâne, dans une partie enfouie de son cerveau, se trouve un lieu minuscule, que l’on ne saurait cartographier même au microscope et pourtant cet endroit est un monde, où survit l’art le savoir et la passion de milliers d’années et de milliers de générations de ses ancêtres pour la chasse. Ce lieu en lui a pris le dessus sur lui complètement, il a court-circuité son corps qui ne lui appartient plus, il s’est fait hacker par le passé - qui lui a injecté un désir immémorial - guetter, épier et avancer discrètement plus près de sa proie, invisible parmi les éléments, le vent, les ombres, les plantes et à un instant guidé par l’instinct et par l’expérience accumulée de ses ancêtres et préservée dans cette cachette reptilienne, il va sauter sur la proie avec pour seul but de la tuer et de la dévorer. Sentir son sang frais dans la bouche, sentir les plumes qui caressent sa peau, sentir son estomac se remplir de la chair animale. Le souvenir des odeurs des parfums et des désirs le possède. Ses yeux sont fixes, son visage ne change pas, ses pupilles dilatées seules indiquent qu’en lui vit un appétit. Il tourne sa tête impassible, concentrée, les yeux instinctivement attirés par un mouvement dans le ciel. Il a aperçu des oiseaux sur un toît au-dessus de la fenêtre. Impossible de les atteindre, sinon du regard. Aussi éloignés qu’ils soient, ils présentent une scène qui l’attire comme le tableau du passé. Il essaie de reprendre pied en lui, il tourne la tête ailleurs, vers l’intérieur de l’appartement, retrouver le fil de ses pensées, il redresse un instant son échine, mais son esprit reste possédé par l’image de ce qu’il a vu à la fenêtre. Il s’avance doucement vers la fenêtre et sort sa tête. Hors cadre. Je ne le vois plus. J’entends des oiseaux s’envoler. La fenêtre est sale de traces de doigts, la peinture écaillée offre au soleil un bois sec et rénuré où se forment des petites crevasses.

https://www.youtube.com/watch?v=PBmLWWI16gU